Carte postale pour le festival Splitera
Dans La lune dans le puits, ce premier recueil d’histoires vraies publié en 2013, j’écrivais que la méditerranée est une bouche gercée, dont la lèvre supérieure s’exprime en latin et la lèvre inférieure en arabe. Quand cette bouche tente de déglutir pour affronter l’air sec, elle a mal, elle souffre, parce qu’il y a ces barbelés, ces frontières, ces guérites, ces checkpoints qui l’empêchent de respirer normalement, qui la colore de sang.
Moi l’auvergnat de naissance, originaire des montagnes du centre de la France, je me suis installé depuis dix ans à Marseille à la fois pour prolonger l’errance de mon premier voyage en méditerranée, pour continuer de me sentir étranger, dans une ville qui me donne le droit de l’être pleinement tant que je soutiens l’équipe de foot, acte de foi que je considère à ma portée. Une amie libanaise me disait qu’elle appréciait Marseille pour cette même raison: qu’elle pouvait se sentir ici à la fois entièrement libanaise et farouchement marseillaise. Récemment d’ailleurs un nouveau café s’est ouvert sur la Plaine, place Jean Jaurès, tenu par Ibrahim de Beyrouth et Hisham du Caire. Ils l’ont appelé El Mina, le Port, du nom aussi de ce quartier de Tripoli au Liban. Avec les amis de bien des ports de cette mer à nous, de la Goulette, d’Alger, d’Athènes, de Barcelone, de Tanger, on s’y retrouve à l’heure de l’apéritif pour pleurnicher sur nos sorts en buvant du Casanis corse, selon moi la meilleure anisette de méditerranée, si l’on omet bien sûr les magnifiques blancs louches arak et raki ottomans.
Carte postale pour le festival Splitera
In the first compilation of true stories I published in 2013, entitled The moon in the well, I was writing that the mediteranean sea is a chapped mouth whose upper lip speaks in latin and lower lip in arabic. And when the air becomes too dry and that mouth tries to swallow, it aches, because of all the barbed-wires and checkpoints that forbid her to breathe properly, which makes it bleed.
Born in Auvergne, that mountainous part in the center of France, I settled down in Marseille ten years ago to extend the trip I had taken around that sea, to continue to wander and feel like a stranger in a town that allows you to be one as long as you support the right football team of course, an act of faith towards the city that I consider fair enough. A lebanese friend of mine was telling me that she appreciated Marseille for that same reason: that she could feel here at the same time entirely lebanese et frantically marseillaise. Recently a new café oppened on the Plaine neighborhood, place Jean Jaurès, owned by Ibrahim from Beyrouth and Hisham from Cairo. They called it Al Mina, The Harbour, also from the name of that special neighborhood in Tripoli Lebanon. With friends coming from many harbours of that sea of ours, from La Goulette for example the harbour of Tunis, or Algiers, Athens, Barcelona or Tangiers, we gather around apéritif times to lament upon our tragic destinies, drinking the famous corsican Casanis, best anisette of the mediteranean in my point of view, if we leave aside the marvellously louche white ottoman arak and raki.